Pour l’instant elle étudiait les entrées et sorties de la taverne. La soirée n’étant que peu avancée, les clients commençaient seulement à affluer petit à petit : de nombreux marins venant se désaltérer après avoir fini leur travail aux docks ; de rares commerçants venaient régler des affaires ; deux mercenaires arrivèrent, certainement pour se repaitre après l’escorte d’une caravane ; quelques habitants aussi venaient animer leur soirée. Des fréquentations jusque là normales pour un établissement de ce genre. Le seul inconvénient à cette attente était le léger grincement de l’enseigne en bois au gré du vent, mais on finissait par s’y habituer.
Son attente fut interrompue par l’arrivée de ces compagnons, alors que les derniers rayons disparaissaient loin derrière le Lac, ce qui donnait un coucher se soleil de toute beauté… La jeune Mage secoua la tête. Ce n’était pas le moment de devenir sentimental. Elle désigna à ces compagnons l’entrée de la taverne, d’où s’élevait un joyeux brouhaha. Ce dernier leur monta aux oreilles lorsque Mogron poussa la porte, ouvrant la marche. La salle principale était plutôt grande et possédait une bonne douzaine de tables… toutes occupées. Cependant, ils en avisèrent une, presque contre une cloison, à laquelle n’était assis qu’un seul homme, en train de boire sa choppe en solitaire… Lorsqu’ils s’approchèrent, il les regarda avec méfiance, mais préféra changer de place avant qu’ils n’arrivent, et alla s’accouder au bar.
Ils s’assirent donc autour de la table, légèrement branlante et parsemée de taches de bière et de trous de couteau. Mogron s’était assis de façon à avoir vue sur tout le reste de la salle, et ils commencèrent à attendre. L’aubergiste vint leur proposer à boire, mais tous trois refusèrent. Une heure passa, et ils commençaient à perdre patience lorsque le commerçant tant attendu entra discrètement dans la taverne. Il s’arrêta sur le palier et parcouru la salle des yeux. Sont regard passa sur Kaëla, mais ne s’y arrêta pas. Il semblait quelque peu stressé, au moins autant que quand elle ‘avait vu l’après-midi sur le marché. Lorsque son regard passa sur les deux mercenaires que la jeune Mage avait vu entrer plus tôt, il se raidit, et hésita à sortir. Eux aussi l’avaient vu, mais ne semblaient pas y avoir vraiment prêté attention, et il se risqua à venir à la table du petit groupe.
Il s’assit précipitamment en face de Kaëla, en jetant des regards inquiets sur Nendagan et Mogron. La Mage allait engager la conversation mais il la prit de vitesse, tellement stressé qu’il en était ridicule… :
- Je sais pas si je peux vous parler… ceux qui me suivent sont ici… Je croyais qu’ils m’avaient perdu : je les voyais plus… mais… et je sais pas vraiment comment ils m’ont retrouvé, enfin comment ils ont sut que j’allai venir… euh, il… il faut que je m’en aille vous comprenez, je peux pas vous aider.
Il esquissa de se lever, mais Mogron le retint doucement par le poignet. Kaëla fut moins amicale :
- Vous m’avez promis des informations, alors je les aurai. Mais maintenant, par pitié taisez-vous. Et arrêtez de remuer aussi, vous attirez les regards.
Il s’arrêta net, les yeux fixés sur ceux de Kaëla, l’air plus étonné qu’angoissé. Il baissa le regard sur ses mains après quelques instants.
- Mais… bredouilla-t-il.
- Non, le coupa Kaëla, vous venez de nous parlez, et peut importe ce que vous nous avez dit, eux ne le savent pas. Nous sommes si vous dites vrai votre seule chance de vous en sortir. Mogron ?
- Je les vois, Dame Tensha, ils nous regardent depuis qu’il s’est assis avec nous. Deux mercenaires au premier abord, mais ils sont bizarrement armés pour tel. En tout cas ils ne ressemblent pas aux pilleurs que l’on a croisés jusqu’ici.
- C’est ça ! Ce sont eux ! Faites-les partir ! s’exclama le marchand, les yeux mouillés.
Le pauvre homme… Oh et puis non, Kaëla ne savait pas pourquoi ils le suivaient mais il avait décidé par lui-même de lui fournir des informations, il devait en assumer les conséquences.
- Je pense que l’on devrait plutôt discuter un peu avant… déclara-t-elle.
- Quoi ? s’indigna l’intéressé. Avec ceux-là tout près ?
- En fait je ne parlais pas de discuter avec vous, mais justement avec eux…
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